La peur de l’abandon ou l’angoisse de la séparation a été théorisée par René Spitz en 1940 pour expliquer le comportement d’un bébé qui a du mal à l’idée de se séparer de sa figure d’attachement. Aujourd’hui, les termes “peur” et “angoisse” semblent un peu trop forts pour décrire cette phase de développement, parfaitement normale. Surtout, elle n’est pas un passage obligé, ni forcément accompagné de sentiment d’angoisse.
Pour que cette période se passe au mieux, May vous apprend à reconnaître, et surtout à apaiser, cette phase 👇.
Qu’est-ce que la peur de l’abandon (ou angoisse de la séparation) chez les bébés ?
Tout au long de son développement, votre bébé apprend à trouver des repères dans le monde qui l’entoure. Parmi ses repères majeurs : vous-même. Vous êtes sa figure d’attachement principale.
Entre ses 6 et 9 mois, ce phénomène s’intensifie. Désormais votre bébé peut distinguer les visages et se rend compte qu’autour de lui, au parc ou à l’école, il y a beaucoup de personnes qu’il ne connaît pas. Cette phase de développement est susceptible d’entraîner de nouveaux comportements chez votre enfant, notamment au moment des séparations :
- il cherche à rester proche de sa figure d’attachement et se met à crier ou pleurer lorsqu’elle s’éloigne,
- il est soudain inquiet ou est sur la défensive en présence d’inconnus, alors qu’avant il souriait à tout le monde.
C’est parfaitement normal. Il s’agit d’une étape importante de son développement affectif et intellectuel. C’est le signe que votre bébé grandit et prend conscience du monde qui l’entoure. En tant que parent, il vous est possible de faciliter au maximum cette phase de développement en faisant en sorte qu’il se sente en sécurité.
Tous les enfants n’auront pas les mêmes réactions : certains pourront se montrer très intéressés par la découverte de nouveaux visages et d’autres ne montreront pas de signes de changement radical dans leur comportement.
Plus que d’angoisse de séparation, on préfère d’ailleurs parler de “priorisation des figures d’attachement” pour décrire cette phase de développement. La plupart des bébés ne se sentent pas “angoissés” par cette situation, mais parfois seulement un peu déstabilisés.
À quel âge un bébé peut-il commencer à ressentir la peur de l’abandon ?
Chaque bébé est unique, par conséquent, son rythme de développement ne sera jamais tout à fait le même que celui d’un autre bébé. Généralement, on a tendance à associer cette peur de l’abandon aux 8 mois du bébé d’après les travaux de René Spitz. Aujourd’hui, les recherches concernant le développement psychique des bébés ont bien évolué et remettent en cause la pertinence de cette “angoisse du huitième mois”.
En réalité, il n’y a pas d’âge précis pour que votre bébé ressente cette peur de l’abandon. Des recherches tendent à prouver qu’il parvient à reconnaître certains visages (comme celui de sa mère) dès la naissance et qu’il commence à acquérir la permanence des objets dès ses 4 mois, voire avant.
En effet, depuis sa naissance, sa perception du monde et des figures qui entourent votre bébé ne cesse d’évoluer. Entre 3 et 6 mois, votre bébé s’est déjà rapproché de vous, sa figure d’attachement principale. Entre 6 et 9 mois, il est capable d’identifier ses figures d’attachement principales (ses parents, ses frères et sœurs…) mais aussi ses figures d’attachement secondaires (sa nounou, la personne qui s’occupe de lui à la crèche, ses grands-parents qui le garde de temps en temps…) et les inconnus.
Plus votre enfant est avancé dans ces acquisitions, plus il est susceptible de montrer des signes d’anxiété au moment des séparations ou de nouvelles rencontres.
Comment reconnaître les signes d’une peur de l’abandon chez un bébé ?
L’un des signes les plus évidents que votre bébé découvre cette peur de l’abandon, c’est son changement de comportement lors de l’exploration d’un nouveau lieu, de la perte du contact visuel avec ses parents ou de la rencontre avec une nouvelle personne. Il peut se mettre à crier, pleurer, s’agiter, ne plus être capable de se concentrer sur ses jeux…
Le moment du coucher – car il s’agit d’un moment de séparation – aussi peut devenir plus difficile alors que votre bébé avait l’habitude de faire de bonnes nuits : il se met dorénavant à pleurer lorsque vous sortez de sa chambre après l’avoir mis au lit et peut également se réveiller en pleurant dans la nuit en ayant besoin de votre présence pour se rassurer.
Tous les enfants sont différents : si l’on observe ces signes chez certains, d’autres passeront par cette phase de développement sans montrer de signes particuliers d’inquiétude.
Quelles sont les causes de l’angoisse de la séparation ?
Il existe plusieurs raisons qui expliquent la “peur” de l’abandon ou “l’angoisse” de la séparation.
Comme indiqué plus tôt, ces moments de stress sont dûs au phénomène de priorisation de ses figures d’attachement qui s’intensifie entre ses 6 et 9 mois. Votre enfant hiérarchise de plus en plus les visages qu’il croise, allant de ceux en qui il a le plus confiance (son entourage direct) à ceux qu’il ne connaît pas du tout. Il repère de mieux en mieux les inconnus, ce qui peut entraîner une forme de stress ou de malaise quand il n’est pas en présence d’une de ses figures d’attachement principales.
Il se peut aussi que votre enfant n’ait pas encore totalement acquis la permanence des objets : il ne maîtrise pas parfaitement le principe selon lequel un objet ou une personne qu’il ne voit plus continue d’exister et n’est donc pas perdu pour toujours.
Comment apaiser la peur de l’abandon chez son enfant ?
Il est possible que le moment de la séparation génère de l’angoisse, que ce soit pour vous ou bien pour votre enfant. Il apprendra progressivement à lâcher prise et à s’ouvrir aux autres, mais cela peut lui demander un peu de temps d’adaptation. Pour l’apaiser et l’accompagner pendant cette période, voici quelques conseils que vous pouvez mettre en place :
- Essayer d’afficher un air confiant : depuis sa naissance, votre enfant agit par mimétisme, s’il voit que vous êtes angoissé·e, il pourrait l’être également.
- Lorsqu’une nouvelle personne le garde, demander à ce qu’elle arrive en avance, pour qu’elle puisse faire connaissance et jouer avec votre bébé avant que vous ne partiez.
- Si votre bébé est inquiet quand il rencontre une nouvelle personne, vous pouvez le rassurer en le prenant dans vos bras ou en lui tenant la main. Attention : ne le forcez pas à immédiatement entrer en contact avec cette nouvelle personne, il faut lui laisser le temps d’aller à son rythme.
- L’aider à bien intégrer la permanence de l’objet (le fait de comprendre que quelqu’un ou quelque chose peut disparaître de son champ de vision tout en continuant à exister). Pour cela vous pouvez jouer à caché-coucou avec un objet ou vous-même, ça lui montre que même s’il ne voit pas quelque chose pendant un temps, l’objet continue d’exister.
- Son doudou est l’un de vos meilleurs alliés : il peut servir d’objet de transition et l’apaiser quand il en a besoin.
- Lui confier un objet précieux à vous, pour qu’il sache que vous viendrez le récupérer.
- Apporter un objet de la maison pour qu’il puisse l’avoir la journée (un livre, un jouet…).
- Dessiner un petit cœur sur son poignet, qu’il pourra toucher lorsque vous lui manquez.
Les moments de séparation sont importants à soigner ! N’hésitez pas à insister sur le fait que vous allez revenir plutôt que sur la séparation : annoncez par exemple que vous revenez après le goûter. Vous pouvez aussi parler d’une activité que vous ferez ensemble à votre retour, aller se promener, lire une histoire, faire le repas, jouer… ça le confortera dans l’idée que vous allez revenir.
Prenez également le temps de bien lui dire au revoir. En revanche, il est utile d’identifier le moment opportun pour partir, par exemple si votre enfant semble apaisé et qu’il se lance dans une activité, ça peut être le bon moment d’y aller ! N’oubliez pas de lui montrer cependant que vous partez et de lui dire au revoir.
Le moment des retrouvailles peut également être difficile pour votre bébé : alors qu’il s’était habitué au fait que vous ne soyez pas à côté de lui, voilà que vous réapparaissez ! Même si vous lui avez expliqué au préalable que vous alliez revenir, il ne vous sautera peut-être pas tout de suite dans les bras et il pourra même avoir besoin de décharger la tension de la journée auprès de vous, sa figure d’attachement principale en qui il a confiance. Laissez-lui du temps ! Quand vous le sentez réceptif, n’hésitez pas à parler de sa journée et de la vôtre pour qu’il puisse comprendre ce qu’il se passe quand il ne vous voit pas.
Quand faut-il rechercher l’aide d’un professionnel pour gérer la peur de l’abandon de son bébé ?
Encore une fois, cette “peur” de l’abandon est tout à fait normale : tous les bébés passent par là. Il ne s’agit pas d’une pathologie, simplement d’une phase de son développement. En règle générale, il suffit de bien accompagner votre bébé en le sécurisant au maximum et cette angoisse passera toute seule.
En revanche, si vous êtes inquiet·e parce que cette peur se manifeste avec une forte intensité ou sans signe de progression après un certain temps, écoutez-vous et parlez-en avec un·e professionel·le de santé qui saura vous accompagner au mieux.
En cas de doute ou si vous avez des questions sur le sujet, n’hésitez pas à télécharger l’application May. Une équipe de sage-femmes vous répond 7j/ 7 de 8h à 22h.
Selon le tempérament et le caractère de votre bébé, cette période d’adaptation peut durer plus ou moins longtemps et se manifester de façon plus ou moins intense. On le sait, c’est une étape qui, bien que totalement normale, peut être difficile pour le bébé comme pour les parents 😔, mais pas d’inquiétude, vous allez y faire face en famille !
Pour aller plus loin 👉 L’angoisse du 8ème mois existe-t-elle vraiment ? | lesprosdelapetiteenfance
Écrit par Sonia Monot avec les expert.e.s May.